Pieds dans le PAF - association d'éducation aux médias

Revue de presse déconfinée // mai 2020


Voici quelques conseils de lecture pour se retrouver dans la jungle de l’information, des médias et du numérique, à l’heure d’une pandémie mondiale…

Surveillance

La pandémie de Covid 19 a mené certains observateurs à craindre une dérive sécuritaire où l’on verrait la surveillance se généraliser dans la société. Association d’éducation aux médias et d’éducation populaire, nous prônons la responsabilité plutôt que le contrôle, l’esprit critique plutôt que la censure, l’explication plutôt que la punition. Certains événements récents nous inquiètent à ce titre.

L’application de traçage Stop Covid doit sortir le 2 juin. Destinée à tracer les contacts des personnes porteuses du virus, elle fait polémique : comment anonymiser les données recueillies par l’application ? Comme le souligne cet article de Basta sur la question : « Il n’y a pratiquement jamais de retour en arrière avec les dispositifs liberticides introduits en temps de crise »

Autre ingrédient potentiel d’une société de surveillance : la délation des voisins non respectueux des règles, comme expliqué dans cette chronique sur Arte.

Parlons également des drones de surveillance. L’association la Quadrature du Net et la Ligue pour les Droits de l’Homme ont déposé une plainte contre la préfecture de Police de Paris, pointant une utilisation illégitime des drones pour faire respecter les mesures de confinement. Avec succès, puisque le conseil d’état leur a donné raison. Lire ici l’article des Numériques.

Pendant ce temps, la loi Hadopi a également pris du plomb dans l’aile : le conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les pouvoirs que la loi a donné à la HADOPI pour identifier les personnes qui partagent des œuvres sur Internet. Compte rendu ici sur le journal du Geek.

 

Censure…

En revanche, la loi Avia contre la haine n’a pas été retoquée. Adoptée le jeudi 14 mai à l’Assemblée Nationale, cette loi, à l’origine destinée à lutter contre la haine sur le net, a été amendée en janvier dernier ; dans sa dernière mouture, qui a donc été adoptée, elle donne pouvoir à la police de fermer un site internet, sans autre forme de procès, si le site en question n’a pas retiré un contenu dit haineux dans un délai d’une heure. Deux jours avant l’adoption de la loi, la Quadrature du Net écrivait cet appel, que nous avons relayé…

et tri sélectif

Censure, tri, ou simple arbitrage? La page « Desinfox Coronavirus » du gouvernement a suscité un tollé venu tant des réseaux sociaux que de la presse. Cette page, sur le site du gouvernement, mettait en valeur des contenus tirés de certains médias disposant d’une rubrique de désintox, écartant de facto d’autres médias. Dans une tribune publiée dimanche 3 mai, intitulée « L’Etat n’est pas l’arbitre de l’information », des sociétés de rédacteurs ont dénoncé, « avec la plus grande fermeté, l’initiative gouvernementale ». La page a finalement été retirée.

Rebattre les cartes de la presse

Côté presse écrite, le confinement a eu des conséquences notoires. Presstalis, le premier distributeur de journaux français, est placé en redressement judiciaire. C’est la troisième fois en 10 ans que l’entreprise traverse une tourmente de ce genre. Lire l’article du Monde ici.

Autre nouvelle de taille, le journal Libération devrait voir son indépendance éditoriale consacrée par un changement majeur de son statut : passer des mains de Patrick Drahi et du groupe Altice à celles d’une fondation à but non lucratif, sur le modèle du Guardian au Royaume-Uni et de Médiapart en France. Un beau projet, certes, mais qui suscite certaines inquiétudes, comme l’analyse l’économiste Julia Cagé dans Télérama. 

Mais dans le même temps, on apprend que le groupe concerné, Altice, va supprimer de nombreux emplois dans le sillage de la pandémie. La faute à la chute des revenus publicitaires, oui, mais également à un changement éditorial, analyse le journal l’Humanité.

Clichés : business as usual

Pendant ce temps, dans les pages des magazines, les clichés ont la vie dure. Le confinement a-t-il eu le pouvoir de changer les stéréotypes croisés dans les médias ? Certainement pas, répond Acrimed, qui fait un tour d’horizon de la manière dont les magazines féminins ont perpétué les clichés pendant cette période.

On vous conseille également ce bel article de Streetpress consacré à la stigmatisation des quartiers populaires en période de confinement, avec une interview de Eric Marlière, spécialisé en sociohistoire des banlieues ouvrières et populaires.

Même pas mal !

Pour finir, amis de l’Internet, sachez que s’est tenue la « Coupe de France du mème » ce printemps. Destinée à élire le meilleur groupe de neurchis (chineurs en verlan) sur facebook, elle a rassemblé 70 000 personnes à grandes rasades d’humour internet. Pour en savoir plus, lisez ce compte rendu signé Usbek et Rica.

Bonne lecture et prenez soin de vous !