Pieds dans le PAF - association d'éducation aux médias

Duels


Les appétits de deux milliardaires s’affrontent dans l’espace médiatique, pour pousser des idées politiques, au détriment de l’information.

Rodolphe contre Vincent.

Non, ce n’est pas l’affiche du prochain duel de babyfoot dans votre bar PMU préféré. C’est celle de la guerre d’influence médiatique qui va se jouer dans les prochaines années. Sans doute jusqu’à la présidentielle de 2027, en fait. Ces deux patrons de presse milliardaires sont en train de se tailler la part belle dans les médias français.

D’un côté, Vincent Bolloré, dont nous parlons souvent ici, bien connu de toutes les associations de critique médiatique pour son intransigeance face aux rédactions, ses appétits insatiables, et sa fâcheuse tendance à pousser des idées d’extrême droite sur les plateaux des chaînes qui lui appartiennent (Cnews en tête). Du coup, les auditions actuelles de l’assemblée Nationale pour le renouvellement des fréquences TNT finissent par montrer les trous dans la raquette : CNews, C8 et consorts sont-elles vraiment des chaînes d’information ou des chaînes d’opinion ? On est contents que la question soit enfin posée. De son côté, le Monde a carrément commencé un décompte de toutes les sanctions et mises en garde de l’ARCOM (ex CSA) à l’égard de Cyril Hanouna, le présentateur phare de C8. Bref, Bolloré, qui a aussi récemment exprimé ses positions anti-IVG après une polémique sur CNews, détient un beau palmarès en matière de propagande d’idées réactionnaires.

De l’autre côté, on a un petit nouveau : Rodolphe Saadé, armateur commercial libanais, commence à déployer ses appétits médiatiques. Il vient de racheter Altice Médias (BFMTV, RMC, la Provence…) Lui n’est pas d’extrême droite, mais plutôt d’extrême centre comme dit l’historien Pierre Serna ; il est dit proche d’Emmanuel Macron. Son palmarès est moins étoffé puisqu’il est nouveau dans le game. Mais quand même : à peine arrivé, il est soupçonné d’avoir fait renvoyer le directeur de la Provence, pour une une qui n’aurait pas plu au chef de l’état. On se croirait du temps de l’ORTF. La seule différence entre Saadé et Bolloré, c’est que Saadé a finalement réintégré le directeur. Bolloré, lui, n’a pas transigé quand toute la rédac du Journal du Dimanche s’est mise en grève l’été dernier. Il n’a pas plié, pour bien montrer qui est le patron, et qui décide de ce qu’il y a dans ses médias (spoiler : ce ne sont pas les journalistes).

Ce n’est pas nouveau, mais enfin c’est toujours terrible de constater que l’argent achète de l’influence, et sert à populariser des idées.Qui pèsera le plus, dans les prochaines élections ?
Pendant ce temps, les usager.es des médias, qui sont aussi la cible de cette lutte d’influence, attendent toujours que leur droit à une information indépendante et de qualité soit respecté.