A cause des mensonges et des faux semblants, notre capacité à faire confiance est altérée, de même que notre capacité à assumer nos actes.
Nous sommes signataires de la tribune pour faire de l’éducation aux médias une grande cause nationale, initiée notamment par la Presse Quotidienne Régionale (PQR). Cela fait des années que nous le répétons, éduquer aux médias est essentiel et permet de préserver nos libertés ; en effet, dotés d’esprit critique et de recul, la manipulation a peu de prise sur nous.
Cela fait aussi des années que nous le répétons : on éduque aux médias en s’adressant à l’intelligence des gens, et pas en les prenant pour des crétins. Croire qu’ils se font bêtement avoir par les médias sociaux à cause de leur naïveté est une illusion. La désinformation progresse aussi et avant tout parce que le journalisme traditionnel est attaqué par des maux internes qu’il ne veut pas reconnaître : soumissions aux intérêts de grands patrons qui minent son indépendance ; surreprésentation des classes dominantes, tant dans les personnes médiatisées qu’au sein des journalistes ; précarisation des conditions de travail qui rendent les erreurs plus fréquentes ; entre-soi des journalistes qui influence leur vision du monde ; illusion de l’objectivité, qui rend impossible toute remise en question.
Les journalistes de la PQR et d’ailleurs feraient bien de regarder la réalité en face : il leur faut faire un examen de conscience, afin de changer en profondeur la manière de faire du journalisme et de re-tisser la confiance.
Ils ne sont pas les seuls, d’ailleurs ; le monde est plein de faux-semblants et d’illusions qui créent la défiance : de personnes qui se mentent à elles-mêmes ou qui mentent à autrui ; de ministres qui cherchent des boucs-émissaires ; de dirigeants qui pensent que pour lutter contre la pédocriminalité, on peut instaurer un espionnage généralisé tout en préservant les libertés ; de gens qui pensent qu’on peut conjuguer croissance et lutte contre le réchauffement climatique.
Au milieu de tout cela, comment ne pas être touché par une impression d’indécence, de malaise ? Comment ne pas avoir envie d’envoyer promener les institutions, le système et ses mensonges, et tous ses représentants qui vous prennent pour des imbéciles, vous bercent de leurs illusions ? Nous avons besoin d’une société dont les membres assument leurs actes. Nous devons nous-mêmes assumer nos actes, et, comme les étudiants d’AgroParisTech par exemple, nos conflictualités éventuelles avec les valeurs de la société actuelle.
Illustration : Streets art / « Il y a de la rage dans l’ère », Graffiti de Miss Tic, décédée le 22 mai 2022.